Gabon : 60èm anniversaire de l'indépendance


17 août 2020

Par Le Point :

Alors que plusieurs pays d'Afrique célèbrent cette année le 60e anniversaire de leur indépendance, l'épidémie de coronavirus est quelque peu venue gâcher la fête. Ce lundi 17 août, le Gabon devait vibrer au rythme de son traditionnel défilé, mais, en lieu et place, le gouvernement a prévu une plus sobre cérémonie de prise d'armes dans l'enceinte du palais présidentiel. L'occasion pour le chef de l'État Ali Bongo Ondimba de prendre la parole et de dresser un bilan d'étape de ces dix dernières années. Un discours très attendu alors que les mécontentements montent au sein de la population. Les Gabonais réclament routes, emplois, infrastructures, hôpitaux, bref, presque tout. Et pourtant, ce petit pays d'Afrique centrale connaît une histoire singulière avec l'ancien colonisateur, la France. Le Gabon n'est pas une colonie comme les autres, il est devenu français dès 1838 après la signature d'un traité entre la France et un souverain de l'estuaire du Gabon, Antchuwè Kowè Rapontchombo, dit le « roi Denis ». Sa capitale Libreville est fondée en 1849 par des esclaves libérés sur le modèle de Freetown en Sierra Leone.

Des débuts hésitants…

Le Gabon fait aussi figure d'exception parmi les colonies françaises en raison de son sous-sol riche en ressources minérales, or, diamant, manganèse, bois, et à cette époque débute l'exploitation pétrolière, etc. Les hommes politiques gabonais rêvent d'exploiter tout ce potentiel pour transformer leur pays, ils apportent donc tout leur soutien à la puissance coloniale. Jusqu'à un certain point. Le moment de bascule intervient lorsqu'une partie importante des revenus du pays est redirigée vers Brazzaville, la capitale de l'Afrique-Équatoriale française, AEF, et sert aux dépenses communes.

C'est sous l'impulsion de Léon Mba – vice-président du gouvernement du Gabon et partisan d'un double patriotisme – que les premiers clivages voient le jour. « Nous ne trahissons pas nos voisins africains, mais nous en avons assez de travailler pour les autres. Nous n'acceptons pas de voir Brazzaville devenir une ville-champignon avec notre argent, alors que nous n'avons pas de routes ni d'infrastructures. De même, nous n'acceptons pas non plus de voir certains organismes administratifs “fédéraux” entraver notre développement économique, alors que leur rôle devrait être de le favoriser », affirmait-il dans ce discours de juillet 1958 qui fera date avant d'ajouter : « Si ces manœuvres continuent, le Gabon ripostera. […] Il dénoncera son appartenance à l'AEF et demandera immédiatement à se lier à la métropole, car nous aimons la métropole. » Depuis le 30 janvier 1944, sous l'impulsion du général de Gaulle, le Gabon comme beaucoup d'autres pays africains a entamé sa marche vers l'indépendance par le biais de la conférence franco-africaine de Brazzaville. Ce n'est que seize ans plus tard que la souveraineté internationale deviendra une réalité.

Dès la décolonisation, le Gabon se distingue donc des autres pays d'Afrique francophones : selon plusieurs historiens, le président Léon Mba réclamait donc la départementalisation, statut dont jouissaient la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique ou encore La Réunion. D'après plusieurs témoins, Léon Mba suggérait l'introduction au bas du drapeau tricolore (vert, jaune et bleu) d'un petit bout du drapeau français. L'indépendance de 1960 est finalement imposée par Paris. En février 1961, Léon Mba devient président. Trois ans plus tard, il est déposé lors d'un coup d'État, puis réinstallé au pouvoir grâce à une intervention de l'armée française. « L'imaginaire né de cet acte fondateur continue de hanter les rapports entre la France et le Gabon » comme le paysage de la capitale, estime le sociologue-anthropologue gabonais Joseph Tonda, interrogé par l'AFP.

… au règne sans partage de la famille Bongo

En décembre 1967, Albert-Bernard Bongo accède au pouvoir après la mort de Léon Mba. Il instaure le régime du parti unique et dirige le Gabon avec son parti, le Parti démocratique gabonais (PDG), d'une main de fer, profitant notamment de la manne du pétrole, dont l'exploitation commence dans les années 1960. En 1973, il devient El Hadj Omar Bongo après sa conversion à l'islam, puis ajoutera Ondimba, le nom de son père, à son patronyme en 2003. Seul candidat, il est élu président en 1973, 1979 et 1986, avec des résultats frôlant les 100 %.

De janvier à avril 1990, de graves troubles sociaux tournent à l'émeute. En mai, le principe du multipartisme est adopté après une Conférence nationale, mais Omar Bongo va réussir à remporter toutes les élections présidentielles (1993, 1998 et 2005) face à une opposition qu'il parvient à diviser ou à rallier à sa cause. Les scrutins ont été soit contestés soit suivis de violences.

L'idée selon laquelle il est impossible de devenir président sans l'aval de la France reste très répandue au Gabon. « Et lorsque les opposants doivent s'exiler, c'est en France qu'ils trouvent refuge », remarque le professeur Tonda.

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