Tribune : Entre les victoires et la joie , des armes et des larmes 

Il flotte un sentiment amer, de tristesse, des cœurs assombris. Le pays est endeuillé par la perte du jeune Fahad Moindze, et nos condoléances les plus sincères sont adressées à sa famille et à ses proches. Un climat d'inquiétude persiste en permanence, et les citoyens ne sont plus rassurés en raison des tragédies répétées. À présent, ce ne sont pas seulement les proches de Fahad qui exprimeront leur mécontentement, mais également toutes les villes et familles ayant connu des cas similaires. Des noms peuvent être cités, des dates et des circonstances différentes, mais ont le même effet négatif. Des jeunes comoriens perdent la vie et d'autres sont rendus infirmes. On observe un grand silence de la justice. Les événements tragiques survenus lors du match opposant les Comores et le Ghana pendant les phases de qualification de la Coupe du Monde ont coûté la vie au jeune Fahad. Cette fois, les Comoriens ont décidé de faire une marche pacifique. Cette marche ne concerne pas les problèmes d'électricité, de routes ni d'eau, mais vise à rendre hommage au regretté Fahad Moindze. Ils voulaient exprimer leur colère face aux forces de l'ordre. Ce fut la goutte d'eau qui a débordé le vase. Mais encore une fois, les autorités ont tout bloqué pour des raisons de sécurité.
Le climat social des Comores a changé ; à la moindre discorde entre les citoyens et les forces de l'ordre, ce sont des morts et des blessés que l'on déplore. Les forces de l'ordre, qui devraient contribuer au maintien des valeurs de la démocratie, sont aujourd'hui les premiers transgresseurs des droits de l'homme. Les Iconiens retiennent des tristes souvenirs du 9 décembre 2018 ; la ville de Mbeni possède son propre traumatisme, tout comme d'autres villes et villages. Aujourd'hui, les parents comoriens s'inquiètent et s'abstiennent de laisser leurs enfants participer à des festivités car le jeune comorien n'est pas en sécurité et vit dans la crainte.

Atteinte au droit à la vie et violation des droits de l’homme 

Ces faits constituent une violation de l'article 3 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, qui consacre le droit à la vie : "Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne", ainsi que de l'article 4 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Cela porte atteinte à l'intégrité physique : "La personne humaine est inviolable, tout être humain a droit au respect de sa vie et à l'intégrité physique et morale de sa personne. Nul ne peut être privé arbitrairement de ce droit."

En somme, le droit à la vie dont il est question n'est susceptible de dérogation que ce soit en temps de conflits armés ou de paix. Ces droits garantissent la vie, la liberté et la sécurité. Il est souvent question de savoir si le législateur comorien est clair et précis sur le droit à la vie, bien que le caractère sacré de la vie soit une valeur fondamentale de la société. On retient que les traités et accords ratifiés ont une valeur supra-législative. Les États parties doivent donc respecter leurs obligations internationales. Et la Charte des Nations Unies affirme sa primauté sur les autres accords internationaux, ce sont des normes de jus cogens qui sont impératives.

Les conditions d’utilisation d’armes à feu étaient elles réunies ? 

Il est vrai qu'il est difficile d'appréhender la réalité, entre les difficultés liées aux conditions du terrain et le fait que parfois la loi autorise le recours à la force, mais elle reste tout de même encadrée. D'ailleurs, les forces de l'ordre sont des gardiens de la paix et non des oppresseurs. L'usage de la force illégale n'a aucune justification valable, surtout lorsqu'elle met fin à la vie d'un civil. Il y a des conditions pour le recours à cette force. Le recours à la force armée doit être absolument nécessaire et strictement proportionné ; les deux conditions doivent être réunies.
Ainsi, il est question de savoir si les forces de l'ordre comoriennes faisaient face à l'existence d'un danger imminent pour recourir à des tirs à balle réelle sur un civil non armé. Est-ce qu'un jeune supporter qui tente d'accéder à un stade de foot, peu importe la manière dont il s'y prend, représente un danger imminent au point de justifier l'usage d'une arme à feu ? Est-ce qu'un tir à balle réelle était la seule option possible pour l'empêcher d'accéder au stade ? Les forces de l'ordre comoriennes font face à un manque de déontologie et d'éthique, car ce sont ces principes qui formalisent les règles devant présider à la réalisation de certaines tâches en fonction des principes. La déontologie dicte ce qu'il convient de faire.

Entre l’administration et l’agent qui est responsable ?

En ce qui concerne la responsabilité, c’est un cumul de fautes ; nous avons des liens de causalité. L'agent a commis une faute personnelle dans le cadre de son exercice, qui n'est donc pas détachable. Il y a donc une faute de service et une faute personnelle. On parle du problème de la responsabilité simultanée, d'autant plus que le fonctionnaire est souvent irresponsable. Il s’agit du système de la garantie des fonctionnaires, un système qui est tenu de les protéger. Le juge devrait admettre que la responsabilité de l’administration puisse être recherchée au choix de la victime. Tout comme il est possible de demander au juge judiciaire de condamner l’agent pour sa faute personnelle et de demander au juge administratif de condamner l’administration pour sa responsabilité. Cela se produit lorsque l’administration cherche à échapper à la condamnation. La jurisprudence est donc venue démontrer l’irresponsabilité du fonctionnaire. On poursuit donc la personne la plus solvable, ce qui entraînera automatiquement une action récursoire. La responsabilité de l’administration peut bien être engagée, puisqu'elle est tenue de garantir la sécurité publique. L’agent a commis la faute personnelle en plein service, en utilisant une arme de l’administration.

Des idées louables pour un climat de sécurité.

Les Comores devraient opter pour la création d'une sécurité événementielle et éviter de faire appel à des corps militaires lourdement armés afin d'éviter les bains de sang. Cela pourrait être réalisé en fournissant l'équipement nécessaire et adéquat pour assurer la sécurité lors d'un match de football. Les armes à feu ne sont pas les bienvenues dans les stades de football.
Il serait judicieux de s'appuyer sur la police nationale plutôt que sur l'armée nationale de développement et d'utiliser des dispositifs de sécurité de faible intensité, en particulier en détachant les forces de maintien de l'ordre des forces armées.

Les citoyens doivent également respecter les consignes, se conformer aux règlements et éviter de provoquer les forces de l'ordre. L'être humain est doué de raison et peut parfois anticiper le danger et l'éviter. Les citoyens ont des droits, mais ils ont aussi des obligations. Il n'est pas question de toujours rejeter la responsabilité sur l'administration, même si l'individu a provoqué la situation.
Il est à noter qu'aucun individu ne devrait tenir une arme s'il ne connaît pas les valeurs démocratiques.
Les commissions des droits de l'homme doivent prendre les mesures nécessaires pour protéger les droits de l'homme et surtout préserver la dignité humaine, car tout individu a droit à la vie et il convient de veiller à ce que la justice soit rendue. Il est important de souligner que l'on peut recourir à la procédure 1503, un mécanisme universel permettant d'examiner les plaintes révélant l'existence d'un ensemble de violations des droits de l'homme. Enfin, il est à espérer que l'affaire ne sera pas politisée comme certaines le sont. Il s'agit d'une affaire judiciaire et non politique.

Houdaidjy SAID ALI
Etudiant en science juridique et Politique
Dakar, Sénégal